04-15/09/2006
La randonnée du Larapinta
Le trek du Larapinta traverse d'Est en Ouest, sur plus de 230 km divisé en 12 sections, le désert semi-aride et montagneux du parc national des West Macdonnell. Le départ se fait à Alice Springs et après 2-3 semaines le marcheur patient termine au Mont Sonder, point culminant de son parcours. Du sommet du Sonder, on peut observer à l'Ouest 2 autres montagnes faisant partie du parc: le Mont Razorback et le Mont Zeil. Ce dernier étant le sommet le plus haut du pays à l'Ouest de la "Great Dividing Range". Peu de personnes le montent chaque année car il est situé hors d'atteinte des secours routiers et il n'y a pas de chemin défini pour le gravir. De plus, pour y accéder il faut l'autorisation des propriétaires des terres sur laquelle passe la route la plus proche.
Le projet
Mon souhait est de partir de la route au Nord-Ouest du Zeil, aller vers le Zeil, le gravir et le redescendre vers le Sud, traverser le tropique du Capricorne et atteindre le Razorback, le gravir et me diriger vers la fin du trajet officiel du Larapinta pour y grimper le Mont Sonder. Ensuite, parcourir le Larapinta en grimpant au passage le Mont Giles et terminer à Alice Springs. Lors du trajet prendre le plus de photos possible et filmer l'aventure afin de réaliser un film pour montrer la beauté de l'endroit. Le trajet complet dépassera les 300 km. Personne n’a encore tenté cette traversée, et certainement pas sans assistance c’est-à-dire porter tous ses vivres. L’eau : le grand défi de cette aventure…il faut savoir quand en boire et où en trouver.
La préparation
Il m'a fallu 6 mois pour préparer le trajet optimal et le contenu du sac à dos. Afin d'estimer le temps nécessaire pour marcher d'un point à un autre, j'ai questionné les randonneurs qui ont parcouru le Larapinta et ceux qui ont gravi l'une ou l'autre montagne. Je crois le trajet possible en seulement 12 jours avec un poids au départ de maximum 35kg incluant 12 litres d'eau. Les 3 premiers jours je ne devrai pas trouver d'eau car je pars en Septembre, mois le moins pluvieux de l'année. La pluie rend la roche trop glissante donc dangereuse et je veux disposer d’un maximum de lumière pour la photo. L'ascension du Zeil (1531m) se fera par une nouvelle route, plus longue mais moins pentu pour épargner les genoux. A Sydney, je rempli mon sac de sable à Bondi Beach et reviens au centre-ville à pied. Je marche 1 heure chaque jour pendant 2 semaines chargé de 36 kg de sable. Je me rends compte pourquoi certains m'ont dit que c'est impossible de parcourir une telle distance en si peu de temps. Mais c’est trop tard….Tout est déjà organisé, je partirai et tenterai de faire le maximum.
Bref carnet d'aventure - Téléchargez le planning journalier-équipement-alimentation-timing
Voir le trajet complet: Full_Larapinta_Map ou en 4 parties : map1 - map2 - map3 - map4
Lundi 4 Septembre, 9h30 du matin, un 4*4 quitte Alice Springs. Vers midi, il me dépose quelque part au milieu de nulle part. Je me charge de mes 34 kg, bâtons aux poignets et je m'enfonce sur cette plaine. C’est parti ! Direction plein Sud. La terre est rouge. Les points verts des photos satellites ne sont pas des buissons mais des arbres. La chaleur est supportable mais mon dos souffre et m’oblige à des pauses trop fréquentes. En fin de journée je quitte la plaine et commence l’ascension du Zeil. Le chant d’un dingo résonne dans toute la vallée à m’en glacer le sang. Je sous-estime trop la difficulté, il fait rapidement noir et je ne vois toujours pas le sommet. Je me résous à camper sur la ligne de crête.
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Lundi 4 Septembre, 9h30 du matin, un 4*4 quitte Alice Springs. Vers midi, il me dépose quelque part au milieu de nulle part. Je me charge de mes 34 kg, bâtons aux poignets et je m'enfonce sur cette plaine. C’est parti ! Direction plein Sud. La terre est rouge. Les points verts des photos satellites ne sont pas des buissons mais des arbres. La chaleur est supportable mais mon dos souffre et m’oblige à des pauses trop fréquentes. En fin de journée je quitte la plaine et commence l’ascension du Zeil. Le chant d’un dingo résonne dans toute la vallée à m’en glacer le sang. Je sous-estime trop la difficulté, il fait rapidement noir et je ne vois toujours pas le sommet. Je me résous à camper sur la ligne de crête.
Je me lève tôt pour atteindre le sommet avant l'aube, mais je sous-estime encore les distances et difficultés. Le terrain est un tapis de rochers et cailloux où le spinifex (plante du désert comme une boule de piques à brochette) est roi. Une fois le sommet atteint, je me sens heureux et soulagé. La vue est splendide malgré un temps couvert. Il me faut déjà descendre vers le Sud pour attaquer le 2ème sommet, le Razorback (1274m). Je descends dans une gorge, le long de cascades et je trouve par miracle une flaque d’eau. Je me rationne du précieux liquide. Plus loin, le terrain est chaotique: roches millionnaires déversées dans une plaine de collines, spinifex et quelques eucalyptus. En fin de journée, je marche dans le lit d’une rivière asséchée. La marche sur sable et cailloux est fatigante mais plus rapide que le zigzag entre les roches. Je contourne quelques taureaux noirs qui m’observent. Je ne suis pas rassuré car mon sac est rouge! Je ne me sens pas le bienvenu, je suis un hors la loi dans le pays montagneux de l'outback. Je suis accablé de douleurs diverses. J'effraie un gros dingo en claquant mes bâtons en l'air. Il n'a peut-être jamais vu d'humain. La nuit tombe, je crois traverser un cratère mais ce n’est qu’un décor grisé par la lumière lunaire; et cela me permet de continuer à marcher sans lampe. J'avais choisi la date du départ également en fonction du cycle lunaire. Je campe au pied du Razorback.
Le soleil se lève, je marche depuis 1 heure. J’ai trop de retard et il me reste peu d'eau. La suite de l’aventure (et de ma survie) dépend de ma rapidité à passer le sommet du Razorback et foncer vers Redbank gorge, le premier point d'eau certain sur mon parcours. Le sommet est atteint rapidement mais la descente est plus longue que prévue puisque je me perds dans une gorge et débouche plus loin que prévu. Je file tout droit à travers la plaine qui encore une fois est un chaos de roches et spinifex.
Arrivé à Redbank gorge, je trouve directement un étang. Plus loin la partie étroite de la gorge est remplie d’eau, je construis un radeau avec corde, réservoirs d'eau et matelas autogonflant. Je fais à peine 15 mètres pour me rendre compte que la gorge n'est pas un gentil couloir d'eau à niveau constant. Il me faut démonter mon embarcation et faire du canyoning dans une eau glaciale et puante. Passer au-dessus des roches est éprouvant car glissant et mon sac à dos est rempli d'eau. Le poids n'aide pas lorsque je me retrouve sur un faux plat à ramper pour me hisser hors de l'eau. Je manque d'énergie, je fais un début d'hypothermie.
Des heures d'effort pour parcourir moins de 2 km. L’autre bout de la gorge marque le début du Larapinta. J’ai accumulé 1 jour de retard en 3 jours et tout a pris l'eau: sac de couchage, tente, allumettes, vivres. Et l'impensable : Un petit trou dans un sac étanche à noyé la caméra et l'appareil photo. Je mets le reste d'énergie à faire sécher ce dont j'ai besoin pour me réchauffer. La pression d'eau sur le sac a fait introduire de l’eau puante dans chaque sachet de spaghettis. Chaque sachet ne contient plus qu'un spaghetti mais un gros ! Enfin, c’est plutôt une sorte de chewing gum infecte puisque légèrement imbibé de déjections de grenouilles et eaux stagnantes. Il est 22h, je fais bouillir des boules de cette gomme que je mange avec entrain. Par contre, pas le courage de faire mon carnet. Je m'endors vite.
Au réveil, le mental est au plus bas à cause de la perte du matériel et le retard. Triste je monte le mont Sonder. La vue est belle mais amère, sans pouvoir photographier la vue et prouver l’ascension. Heureusement qu’il y a un « guestbook ». De retour en bas, je me dis que je n'ai pas préparé cette aventure pour les autres. Mon but premier est personnel, plus qu'un dépassement de soi, une envie de voir ce que cette randonnée m'apporte en beautés de paysages. Et puis je me souviens qu'à midi je dois téléphoner au ranger. La cabine téléphonique est située au resort de Glen Helen. Il me faut y arriver avant demain midi sinon on commencera à me rechercher. Je me mets en marche. Le décor défile toute la journée et pendant le début de la nuit. C'est à 22h, épuisé et déshydraté que j’arrive enfin. Je téléphone, puis discute avec les campeurs. Ils sont impressionnés et m'encouragent pour la suite. Je suis au tiers du parcours.
La fin du récit (et moins concis) fera probablement l’objet d’un livre. C’est mon souhait. J’ai terminé le Larapinta comme prévu à Alice Springs le 15 Septembre en ayant résorbé mon retard. Au lendemain de Glen Helen, mon appareil photo fonctionne à nouveau…